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La tunisie Medicale - 2011 ; Vol 89 ( n°05 ) : 497 - 501
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Summary

Background: Rosai-Dorfman disease (RDD) is a benign lymphoproliferatif disorder characterized by cervical lymphadenopathies with a consistent risk of airways’ compression and esthetical prejudice. Extra nodal localizations are also described.
Aim: To report two pediatric cases of RDD.
Cases: the first case concerned a patient with a prolonged nodal involvement of RDD. Remission seems to be natural although it coincided with a sulfaméthoxazole- triméthoprime therapy. The second case illustrated an extranodal form of RDD localized in soft tissue and paranasal sinus with extension to nasal cavity which were
corticodependant.
Conclusion: RDD is usually a benign disorder. Particular localizations, lack of effective therapy and the high risk of recurrence are important issues in this rare affection.

Key - Words
Article

La maladie de Rosai-Dorfman (MRD) ou histiocytose sinusale avec lymphadénopathies massives est une histiocytose bénigne non langerhansienne rare d’étiologie inconnue [1, 2]. Le tableau clinique est dominé par de volumineuses adénopathies cervicales ; l’atteinte extra ganglionnaire n’est pas rare. Les éléments histologiques de diagnostic associent une prolifération histiocytaire au sein des sinus lymphoïdes dilatés et une lymphocytophagie [1-4]. Le pronostic est généralement
favorable mais des formes graves peuvent conditionner le pronostic vital ou fonctionnel [4, 5]. A l’heure actuelle, plusieurs traitements ont été utilisés avec une efficacité
variable. Al’occasion de deux observations, nous rapportons les aspects cliniques et évolutifs particuliers de la MRD.

OBSERVATIONS
Observation 1
M. né en 1981, a été hospitalisé à l’âge de 18 mois pour des adénopathies (ADP) cervicales volumineuses. Une adénectomie a été réalisée après un bilan étiologique négatif (bilan tuberculeux et sérologies de la toxoplasmose, herpès, CMV et EBV). L’examen histologique a conclu à une distension sinusale importante due à l’accumulation de plasmocytes et d’histiocytes dont certains sont le siège de lymphocytophagie et d’érythrophagocytose. L’immunomarquage des histiocytes était positif pour la protéine S100. A l’âge de 5.5 ans, les adénopathies ont ré-augmenté de volume.
L’examen a objectivé à cet âge un retard statural (-2.75DS) et de nombreuses adénopathies fermes, indolores, mobiles intéressant les chaînes jugulo-carotidiennes bilatérales (0.5 à 3 cm de diamètre), sous maxillaires gauches (1.5 cm), sous mentonnière, sus claviculaires bilatérales, axillaires, épitrochléenne gauche et un nodule jugal gauche de 2 cm. Le bilan biologique a trouvé un syndrome inflammatoire modéré (VS : 47 à la 1ère heure), une hyperleucocytose à prédominance polynucléaire et une hyper gamma globulinémie polyclonale à 33 g/l. Le bilan immunitaire humoral, cellulaire et le dosage du
complément sérique étaient normaux. La radiographie du thorax et l’échographie abdominale n’ont pas objectivé d’adénopathies profondes. A l’âge de 9 ans, et à l’occasion d’une nouvelle poussée, une ablation des ganglions les plus volumineux a été indiquée. Depuis, 2 autres poussées sont survenues à l’âge de 14 et de 15 ans avec installation d’une hypoacousie. L’examen a noté à sa dernière poussée une fièvre à 38°, des adénopathies cervicales volumineuses, épitrochléennes
et axillaires de 2 à 12 cm de diamètre, un retard statural à -4.4DS et un retard pubertaire. L’audiogramme a objectivé une surdité de perception bilatérale à 60 dB.
L’exploration du retard statural et pubertaire a retrouvé un âge osseux à 11,5 ans proche de l’âge statural, un bilan thyroïdien normal une sérologie coeliaque négative. Une épreuve de stimulation de l’hormone de croissance par l’insuline, réalisée à l’âge de 15.5 ans, était normale. L’IRM cérébrale centrée sur la
région hypothalamo hypophysaire et les rochers était normale éliminant un processus expansif intracrânien. Un traitement antibiotique à visée prophylactique par sulfaméthoxazole  sulfaméthoxazoletriméthoprime (Bactrim® 10mg/kg/jour) a alors été tenté.
L’évolution a été remarquablement favorable avec régression des adénopathies au bout de 4 mois de traitement. Le Bactrim® a pu être arrêté à l’âge de 22 ans sans aucune récidive des adénopathies. Le diagnostic de retard pubertaire simple surajouté à une petite taille familiale a été retenu devant la notion de petite taille parentale, une puberté retardée chez le père et un rattrapage statural complet suite à un démarrage de la puberté à 17 ans (taille 1.65m à 20 ans).

Observation 2

W. né en 1998, présente des antécédents d’anémie hémolytique de Minkowski Chauffard chez la mère et la fratrie. Sa maladie a débuté à l’âge de 12 mois par un larmoiement chronique et une tuméfaction conjonctivale de l’angle externe de l’oeil droit rattachés à une dacryocystite. A l’âge de 16 mois, sont apparues des ADP cervicales bilatérales et symétriques de 1 à 2.5 cm de taille ainsi que des masses jugales droite et gauche mesurant respectivement 3 et 2 cm. Une adénectomie d’un ganglion jugulocarotidien a été réalisée à l’âge de 4 ans après un bilan étiologique négatif. L’examen histologique a objectivé des sinus dilatés et infiltrés par des histiocytes siège de lymphocytophagocytose (figure 1 A et B).

Figure 1 : (A) Dilatation sinusale et infiltration histiocytaire ganglionnaire (hematoxyline et eosine x200) (B) : Image d’emperipolèse (hematoxyline et eosine x400)



La radiographie thoracique et l’échographie abdominale n’ont pas objectivé d’ADP profondes. Un traitement par Bactrim® prescrit pendant 5 mois, a été sans effet et a dû être arrêté en raison d’une bicytopénie. Al’âge de 6 ans et demi, on a noté une poussée inflammatoire des 2 masses jugales, atteignant 6 cm à droite et 5 cm à gauche sans poussée ganglionnaire associée motivant sa mise sous corticothérapie à la dose de 40 mg/m2 /j ce qui a permis une nette diminution des masses. Une dégression progressive de la corticothérapie avec maintien d’une dose seuil de 15 mg 1 jour/2 pendant 2 ans et demi a permis une disparition de la masse jugale gauche et la stabilisation de celle de droite à 2 cm mais au prix d’une intoxication stéroïdienne indiquant l’arrêt de la corticothérapie.
Une nouvelle poussée inflammatoire des masses jugales est alors notée justifiant la reprise de la corticothérapie à 2 reprises.
A l’âge de 12 ans, une obstruction nasale a été attribuée à un comblement total des fosses nasales. L’imagerie par résonance magnétique a objectivé une infiltration tissulaire de contours polypoïdes comblant totalement les fosses nasales et partiellement les sinus maxillaires de signal intermédiaire en T1 et se rehaussant intensément après injection de gadolinium (figures 2 et 3). Ce processus comblait les canaux lacrymonasaux.
Une masse tissulaire non perceptible cliniquement a été aussi visualisée au niveau de la fosse temporale gauche (figure 4). Le bilan immunitaire a permis d’éliminer un déficit des protéines de l’apoptose.

Figure 2 : IRM du massif facial - Coupe coronale en T1 : comblement des fosses nasales et des sinus maxillaires par un processus tissulaire de signal intermédiaire



Figure 3 : IRM du massif facial- coupe coronale en T2 : Rehaussement du signal de l’infiltration après injection de Gadolinium



Figure 4 : IRM du massif facial - coupe axiale : Masse tissulaire de la fosse temporale externe (flèche) et de la joue gauche (étoile)



DISCUSSION

La maladie de Rosai-Dorfman (MRD) est une prolifération histiocytaire rare individualisée en 1969 [1, 2]. Les cas pédiatriques publiés concernent des cas sporadiques. Un cas tous les 2 ans est diagnostiqué au laboratoire d’anatomopathologie de l’hôpital La Rabta (données non publiées). La maladie touche surtout l’enfant et l’adulte jeune ; 80 % des patients inscrits au registre international sont âgés de moins de 20 ans et 2/3 sont âgés de moins de 10 ans [3].
Le tableau clinique classique comporte dans la majorité des cas des adénopathies cervicales généralement volumineuses source d’une gène esthétique comme chez notre premier patient.
D’autres territoires ganglionnaires peuvent être atteints. Nos 2 malades ne présentaient que des adénopathies superficielles.
Une fièvre est retrouvée chez le 1/4 des malades mais l’état général est presque constamment conservé [4, 5].
A l’atteinte ganglionnaire, s’est associée chez le 2ème patient une atteinte de la cavité nasale et des sinus et des masses sous cutanées de la face et de la fosse temporale. L’atteinte extra nodale, généralement associée à l’atteinte ganglionnaire, est documentée dans 43% des observations mais peut être isolée dans 23 % des cas soulevant les difficultés diagnostiques quand ces atteintes sont révélatrices de la maladie [4, 5]. Wening et al. ont rapporté 14 cas d'atteinte extra ganglionnaire de MRD, dont 10 n’étaient pas associés à des ADP [6]. Trois quart des atteintes extra-nodales siègent dans la région cervicofaciale essentiellement la peau, la sphère ORL, les parties molles et l’oeil [4-6].
L’atteinte cutanée est la plus fréquente parmi les localisations extra ganglionnaires et de présentation clinique polymorphe ; elle est plus fréquemment rencontrée chez les patients de plus de 40 ans ce qui explique son absence chez nos 2 patients [7].
Après la peau, Les sinus et la cavité nasale sont très fréquemment touchés; leur atteinte se traduit cliniquement par une obstruction nasale, une hyposmie ou un épistaxis [8]; le larmoiement chronique présenté par notre 2éme patient traduisait l’extension de l’infiltration tissulaire vers les canaux
lacrymo-nasaux et non l’infiltration des glandes lacrymales.
L’imagerie, non spécifique, révèle typiquement des masses polypoïdes ou un épaississement muqueux des sinus ou de la cavité nasale exceptionnellement associée à une érosion osseuse [8]. Cet aspect clinique et radiologique peut faire discuter une atteinte lymphomateuse, de la maladie de Wegener ou une histiocytose langerhansienne. Le rhinosclérome peut mimer une localisation ORL de MRD et doit être éliminé par la recherche de klebsiella rhinoscleroma [9].
Toutes les voies aériennes peuvent être touchées ; une détresse respiratoire peut résulter de l’infiltration des voies aériennes ou de leur compression par les ADP cervicales ; Faruk et al ont rapporté une localisation sous glottique obstructive ayant nécessité une trachéotomie en urgence chez un adolescent [10].
L’atteinte des tissus sous cutanés de la joue retrouvée chez nos 2 patients est par contre une localisation qui n’a été rapportée, à notre connaissance, que chez 2 jeunes adultes sans atteinte ganglionnaire associée [8, 11]. La majorité des lésions sous cutanées et des parties molles décrites dans le registre de la maladie siégeaient au niveau des paupières et de l’orbite [3].
Des manifestations auto-immunes ou systémiques ont été enregistrées chez 13 % des patients du registre, dont les plus fréquentes sont les anémies hémolytiques auto-immunes, la polyarthrite rhumatoide et l’asthme [3, 12].
L’étiopathogénie de la MDR demeure énigmatique ; récemment, Maric et al ont retrouvé les anomalies histologiques de MRD dans les ganglions de patients atteints de syndrome lymphoprolifératif et auto-immun (ALPS) qui est lié à un déficit héréditaire de l’apoptose. Ils en concluent que certaines formes de MRD particulièrement celles associées à des maladies auto-immunes font partie du spectre clinique de l’ALP syndrome [13].
L’étude anatomopathologique est la clé du diagnostic montrant une dilatation sinusale et la prolifération d’histiocytes dont le cytoplasme renferme de nombreux lymphocytes intacts ou empéripolèse caractéristique de la MRD. L’étude immunohistochimique conforte le diagnostic et permet de distinguer la MRD de l’histiocytose langerhansienne; les histiocytes de MRD expriment la totalité des marqueurs panmacrophagiques (CD68, CD14, CD64, CD15) et la protéine S- 100 alors que CD1a est négatif [4, 5].
L’évolution se fait dans la majorité des cas vers la résolution spontanée particulièrement dans les formes ganglionnaires localisées. La maladie peut, comme chez notre premier patient, évoluer de façon prolongée avec alternance de phases d’exacerbation et de rémission.
Selon une récente revue de la littérature; la moitié des patients (40/80) n’ont pas nécessité de traitement et une rémission complète a été observé chez 82 % d’entre eux [14]. Le traitement est réservé aux formes disséminées ou avec adénopathies compressives. Le traitement le plus utilisé est la corticothérapie; mais une corticodépendance est souvent observée (observation 2). D’autres agents ont été utilisés sans grande efficacité [5, 14]. La chirurgie n’est indiquée que dans les formes compressives ou dans un but esthétique avec un risque important de récidive. La guérison observée chez notre premier patient sous traitement par le Bactrim® semble être le fruit du hasard; en effet, aucune donnée de la littérature ne permet de retenir l’efficacité des antibiotiques [14].

CONCLUSION

A côté d’une symptomatologie clinique largement connue, les formes extra-ganglionnaires existent ce qui nécessite la réalisation d’un bilan d’extension afin de détecter les formes asymptomatiques. Aucun traitement n’a fait la preuve de sa supériorité ou de son efficacité, de ce fait il n’existe aucune recommandation thérapeutique concrète á l’heure actuelle ; toutefois l’évolution spontanée est souvent favorable.

Reference
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